Qui suis-je ?
suis-je le mieux placé pour savoir qui je suis ?
Être le mieux placé, c’est d’abord avoir la meilleure place,
spatialement, par rapport à quelqu’un ou quelque chose, pour en parler,
l’observer, le connaître. Ainsi, dans un premier temps, il semble que le
mieux placé pour connaître quelqu’un sera une personne qui en est
proche. Ma famille et mes amis, mes proches précisément, sont mieux
placés pour savoir qui je suis, connaître mes pensées, mes sentiments,
mon caractère, en un mot tout ce qui constitue ma personnalité, me
constitue comme personne, qu’un parfait étranger. En ce sens, qui mieux
que moi pourrait alors savoir qui je suis ? Qui pourrait alors être plus
proche de moi que moi ? Il semble donc que j’occupe une place
privilégiée à mon égard, me permettant, grâce à la conscience et à
l’introspection, d’avoir accès d’une manière immédiate ou réflexive à la
connaissance des moindres qualités me caractérisant et me définissant.
Pourtant, être le plus proche ne signifie pas nécessairement avoir le
meilleur point de vue. Au théâtre par exemple, je préférerais une place
un peu éloignée de la scène, me donnant un peu de recul sur ce qui s’y
passe, à une place au tout premier rang. Ainsi, si je suis le plus
proche de moi, ai-je pour autant le meilleur point de vue pour me
connaître, pour accéder à un savoir de moi-même, c'est-à-dire un
discours vrai – dont la condition est l’adéquation avec son objet, avec
la réalité du moi et non l’image que j’ai de moi, c'est-à-dire donc un
discours objectif, neutre ? Or, en étant à la fois sujet et objet
lorsque je pense à moi, lorsque je parle de moi, puis-je réellement
prétendre à une objectivité sur moi ? Mais si je ne suis plus la mieux
placée pour savoir qui je suis, qui le sera ? Les autres en ce sens ne
sont-ils pas plus à même de me décrire objectivement ? Mais peut-on
considérer tous les autres comme aptes à me connaître sans distinction,
sans établir de différence entre tous ces autres ? Le sujet nous demande
en effet de comparer ma position et celle des autres : on ne nous
demande pas si je suis « bien » placée mais si je suis la « mieux »
placée. C’est la raison pour laquelle nous comparerons les positions des
uns et des autres.
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